Fête
à Léo 2012
Lecture
de paysages autour de Bourg-sur-Gironde
Vendredi 13 juillet
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Une fois n’est pas coutume, il pleuvait sur la Fête à Léo.
La fin d’après midi allait être humide. La soirée appartiendrait aux
parapluies. Malgré les intempéries, 100 personnes s’étaient déplacées, venues
des quatre coins de la Gironde, la journée de travail achevée. Il pleuvait
toujours sur la Fête à Léo pendant le vernissage de l’exposition des
photographies insolites de Jacques Houot. Il pluvinait encore au cours de l’apéritif
vigneron offert par le Syndicat Viticole des Côtes de Bourg, à l’abri de la salle des fêtes. L’intermède musical assuré par la mandoliniste Annick Robergeau eut raison de la pluie. Elle cessa de tomber, charmée par la douceur et la subtilité des notes graciles qui dansaient sous les doigts habiles de la musicienne.
vigneron offert par le Syndicat Viticole des Côtes de Bourg, à l’abri de la salle des fêtes. L’intermède musical assuré par la mandoliniste Annick Robergeau eut raison de la pluie. Elle cessa de tomber, charmée par la douceur et la subtilité des notes graciles qui dansaient sous les doigts habiles de la musicienne.
Le «One Man Show» de Didier Coquillas débuta
Quelques repères
datés nous permettront de situer chronologiquement les propos de notre
intervenant.
Il y a 2 millions d’années vivait l’homme de Cro-Magnon.
Entre 2 et 5 millions d’années, à hauteur de ce que pourrait
être Bassens actuellement, un tremblement de terre pyrénéen a fait se rejoindre
la Dordogne et la Garonne.
C’est à la fin de la période du Miocène (7 millions d’années),
que la mer abandonne définitivement l’Aquitaine laissant un paysage proche de
celui que nous connaissons. L’érosion y apportera sa touche finale.
L’Oligocène inférieur, pendant lequel les dépôts de calcaire
de l’Entre-deux-Mers se sont déposés, date de 30 millions d’années.
Les Pyrénées sont apparues il y a 40 à 45 millions d’années,
en même temps que l’Ariège et les Corbières.
Les dinosaures sont morts il y a 65 millions d’années.
La Dordogne a 200 millions d’années.
Quelques généralités
géologiques sur le bassin d’Aquitaine
Le mot Aquitaine trouve son origine dans le terme latin aqua
(eau). Cette terre a subi de nombreuses inondations qui ont laissé des traces
d’origines marine et fluviale.
L’histoire ancienne du bassin aquitain est la résultante des
frictions dantesques qui se produisirent entre les plaques terrestres ibérique et
européenne. Leurs mouvements vont aboutir à une succession d’enfoncements de la
fosse marine et à des sédimentations en série dont résultera l’émersion
(=sortir d’un milieu aqueux) du bassin d’Aquitaine, tel que nous le
connaissons.
Pour bien comprendre les mouvements de transgressions
marines (invasion de la terre par la mer) et de retrait de l’eau des terres, il
convient de connaître les deux principaux mouvements en cause : si les approfondissements
de la fosse marine sont liés à des affaissements tectoniques accompagnés
d’élévations marines atlantiques, le bassin est envahi par la mer ; si les
écroulements de la fosse marine ne sont pas accompagnés par des élévations
marines atlantiques, l’eau se retire, le bassin aquitain se découvre et
s’expose à l’érosion.
Quand l’eau se retire, elle charrie avec elle les sédiments
des sols qu’elle a occupés. En cours de route, elle les perd en fonction des
reliefs locaux qu’elle rencontre sur son chemin. Il faut bien imaginer que ces
mouvements de va-et-vient se produisent sur des périodes comptées en millions
d’années.
Le sol bourgeais
Le plateau de Bourg a la même datation historique que les
autres plateaux, soit de 25 à 35 millions d’années. Bourg-sur-Gironde repose
sur un plateau calcaire de 6 km
d’épaisseur.
Il est composé de calcaire à astéries, appelé «pierre de
Bordeaux» ou «calcaire de St Emilion». Il est daté de l’Oligocène inférieur (32
millions d’années). Il doit son nom aux innombrables osselets d’astéries,
organismes apparentés aux étoiles de mer. Ce calcaire est jaunâtre, poreux et
friable. Ce calcaire bio détritique (il résulte de la désagrégation mécanique
des roches préexistantes) s’est formé essentiellement à la faveur d’une baie
protégée. Il présente de nombreuses figures de dépôts et d’abondants fossiles.
En Bourgeais, les grottes ont été creusées par les rivières,
puis les hommes les ont habitées et les carriers ont exploité la pierre.
François Dalleau a fouillé ces sites. Ils recelaient des cadavres d’animaux
préhistoriques comme le surprenant rhinocéros laineux, par ailleurs très peu
peint sur les parois des grottes.
La période des températures froides a occupé 20 millions
d’années. L’homme a trouvé refuge dans les grottes. Il fait suffisamment froid
pour que les lieux soient colonisés par les pingouins. La «toundra sibérienne»
caractérise le paysage, composé de graminées, de lichens et autres arbres
nains.
Bourg-sur-Gironde et
la Garonne
Depuis 18 000 ans, l’eau a remonté pour se situer vers
2500 ans avant notre ère à 120m de haut, niveau qu’elle occupe aujourd’hui. Les
méandres sont apparus. Les eaux ont serpenté, cherchant à creuser leur passage
dans les terrains les moins résistants. Depuis l’époque des Gaulois, la largeur
de l’estuaire s’est réduite de 1.5km. L.Drouyn évoquait ce phénomène en
employant le terme de sédimentation (formation de sédiments). Cet estuaire est
le plus grand en Europe, car il pénètre très profondément dans les terres.
Quand l’eau monte, l’effet mécanique qui produit ce mouvement s’appelle
« l’effet entonnoir ». La coloration des eaux de Garonne traduit la
présence des différents sédiments captés au cours de son périple.
L’ensablement du lit de la Garonne parait inéluctable. Dès
le 16ème siècle, le lit était dragué afin de faire arriver les
bateaux jusqu’à Bordeaux. Les dépôts de sédiments persistent. La profondeur du
lit de la Garonne diminue. L’eau salée arrive jusqu’au Tourne et à Langoiran.
Définition:
Le lit mineur est le
lieu où se trouve l’eau d’un cours d’eau jusqu’aux berges.
Le lit majeur c’est la
limite atteinte par l’eau au moment des plus hautes crues.
L’état est propriétaire des bords du lit mineur. Les rivages
appartiennent donc à la République. Parfois, ces terrains inondés (palus) ont
fait l’objet de ventes foncières. A la Révolution, ces palus ou terres
marécageuses accueillirent des troupeaux. Plus tard, ils seront plantés de
vignes. En les inondant, les viticulteurs sauveront le vignoble français,
entièrement détruit par le terrible phylloxéra :
Le Phylloxéra vastatrix,
ou « fléau de la vigne » (du Grec « feuille » et xéros
« sec » et du latin vastatrix « dévastateur ») est un
minuscule puceron, « importé » des Etats-Unis,
qui s’attaque aux
racines de la vigne. En 1885 la récolte nationale de vin est passée de 85 à 25
millions d’hectolitres après plusieurs années de vaines luttes contre ce
nuisible. La pénurie de vin encourage la fraude et la fabrication artificielle
de vin. Il fallut une loi, en 1889 pour donner une définition légale du vin. Le
phylloxéra est apparu pour la première fois en 1864 dans le département du
Gard. Finalement, les chercheurs trouvèrent le remède à ce fléau, en greffant
des cépages français sains sur des porte-greffes américains résistants à
l’insecte.
Nous assistons aujourd’hui à une forme de «dépoldérisation»,
c'est-à-dire que des terres retournent aux fleuves.
Bourg-sur-Gironde et
ses «faux bourgs» !
Pendant les « Guerres de Religion », on a constaté
que les ports médiévaux commençaient à disparaître. De nouvelles terres, des
bords d’eaux, apparaissent. On gagne sur les rivières. De nouveaux ports se
créent, accueillant des zones d’activités. A Bourg-sur-Gironde, la vieille
ville et la ville neuve ont des intérêts divergents. Des conflits surgissent çà
et là. Le sel acquiert une valeur économique (assure la conservation des
denrées alimentaires), faisant prospérer les villes autorisées à être des
greniers à sel. Bourg-sur-Gironde bénéficia de ce privilège.
Histoire de la
révolte de la gabelle :
La Gabelle (impôt ou
taxe indirecte sur le sel), instaurée au 13ème
siècle fut toujours très impopulaire. Plusieurs révoltes de paysans contre cet
impôt éclatèrent. En 1548, elles tournent à l’émeute sanglante. L’autorité
royale bafouée, des officiers royaux tués, des riches propriétaires agressés
poussent Henri II à mener une répression impitoyable et meurtrière. Bordeaux
fut désarmée, 140 personnes exécutées et la ville perdit sa liberté. Elle fut
condamnée à payer une forte amende. Après avoir racheté l’impôt en 1553, les
provinces du Sud-Ouest furent exemptées de la gabelle.
Quelques monuments de
Bourg :
La Fontaine date de l’Antiquité. Elle est constituée d’un
réservoir souterrain de 6m x 4m. La voûte est bâtie en moellons de petit
appareil et creusée dans le rocher. Un fronton (gallo-romain ?)
comporterait une niche destinée à recevoir la statue de la divinité de la
source.
Le lavoir date de 1828. A l’origine, le vieux lavoir se situait à
côté de la fontaine. En mauvais état et trop petit, il fut remplacé par le
nouveau lavoir. Ce dernier est scindé en deux bassins aux fonctions précises.
L’un assurait le lavage, l’autre le rinçage. L’eau qui tombe est recueillie
dans une citerne dont le contenu est libéré agissant comme une chasse d’eau
nettoyant la vase. C’est l’un des plus beaux de Gironde.
Port de bourg fut un grand plan d’eau. Pendant la « Guerre
de cent ans », la moitié de la flotte anglaise est à Blaye et à
Bourg-sur-Gironde. Il s’ensablera progressivement et sera abandonné. Le petit
âge glacière a fait se retirer l’eau. Nous avons perdu la plupart des ports de
la Garonne.
Un profond fossé séparait les deux villes (l’ancienne ville
et la ville neuve). Il est devenu un dépotoir nauséabond au fil du temps. Afin
de lutter contre cette source d’insalubrités et d’épidémies, les autorités le transformèrent progressivement pour
réaliser l’escalier visible aujourd’hui.
L’église actuelle dédiée à St Géronce, a été construite en 1850
par l’architecte diocésain Labbé. Les conditions difficiles de sa construction
font que le chevet contrairement aux us et coutumes est dirigé plein sud.
Aujourd’hui, elle est en bon état grâce à l’action commune des paroissiens et
des élus qui l’ont restaurée. Elle occupe partiellement le site de l’église
primitive.
Histoire succincte et
chronologique de Bourg-sur-Gironde :
Du 1er au 3ème siècle, la Paix Romaine
favorise les débuts de la viticulture.
A partir du 3ème siècle et jusqu’au 7ème
siècle, les invasions des Vandales et des Germains créent des dévastations.
C’est l’époque pendant laquelle certaines villes se « muraillent ».
Au 4ème siècle, Ausone y posséda une maison.
Les 8ème, 9ème et 10ème siècles sont
encore agités par de nombreux troubles, avec notamment l’apparition de la
féodalité.
Au 8ème siècle, les Musulmans en provenance
d’Espagne sont arrêtés à Poitiers par Charles Martel en 714, après avoir tout
dévasté sur leur chemin. Les troubles sont nombreux, les invasions, notamment
des Normands, ravagent tout le Sud-Ouest. Les villes de Blaye,
Bourg-sur-Gironde, Bordeaux sont rasées.
Au 9ème et 10ème siècle les massacres,
les destructions, les pillages ont gommé progressivement les traces
archéologiques des périodes Mérovingienne et Carolingienne. C’est le temps de
la féodalité, période où les intrigues, les trahisons, les alliances
nourrissent les ambitions des seigneurs féodaux ; les Lansac en Bourgeais
fomentent des guerres privées. Les châteaux-tours en bois bâtis sur des buttes
de terre seront remplacés progressivement par des châteaux construits en
pierres.
Les 11ème et 12ème siècles sont les
témoins d’une forte expansion démographique et une recrudescence du spirituel.
Il faut nourrir toutes ces bouches en trouvant de nouvelles terres gagnées sur
la forêt, la lande, les palus, les bords des rivières. La culture céréalière se
développe. De nombreux moulins apparaissent sur les rivières. Bourg n’échappe
pas à tendance. Le 11ème siècle, un peu plus calme, met sur les
routes de nombreux pèlerins en quête de spiritualité. Ils traversent toute
l’Europe en direction de Saint Jacques de Compostelle. Une économie se
développe autour des centres d’accueils des pèlerins. Ces derniers doivent
franchir les rivières, emprunter des itinéraires sécurisés par les Templiers
qui gèrent les affaires des Croisés en leur absence, en établissant des
Commanderies comme à Magrigne, près de Bourg-sur-Gironde. Le pays se couvre de
paroisses. Il faut du vin, beaucoup de vin notamment de messe. La culture de la
vigne explose.
En 1137, une jeune duchesse, Aliénor d’Aquitaine épouse, à
16 ans, le prince Louis du même âge, qui allait devenir Louis VII roi de
France. Puis, elle divorcera pour épouser le futur roi d’Angleterre Henri II.
Au 13ème siècle, sous le règne d’Henri III, Bourg
obtient le statut de commune, s’affranchissant de la royauté. Les magistrats (jurats)
sont élus par les bourgeois de Bourg. Toutefois le Maire est toujours nommé par
le roi. Bourg est alors un véritable verrou protégeant Bordeaux. C’est un des
trois arsenaux de la Guyenne.
La « Guerre de Cent ans » occupa une partie des
XIVème et XVème siècles, et rendit la Guyenne soumise au roi de France. En
effet en 1327, Edouard III d’Angleterre (15ans) veut jouir pleinement de ses
droits sur la Guyenne. Le roi de France l’attaque. C’est une période de
misères, de malheurs (la peste s’en mêle). Elle s’appauvrit ; les
Bordelais ne pouvant plus compter sur le roi Duc font alliance avec huit
places-fortes, dont la première est Bourg-sur-Gironde. S’y associent également
Libourne, Blaye, St Macaire, Rions, Cadillac; St Emilion et Castillon. Toutefois
le roi de France conquiert la Guyenne en 1451.
En 1453, Bourg-sur-Gironde a le droit d’arborer les armes
royales de France.
Au 16ème siècle, la famille de Lansac, puis le
duc d’Epernon, contrôle la ville avant que Mazarin, Richelieu et le futur roi de
France Louis XIV n’en fassent la capitale provisoire du royaume (1650).
Le prince réprime la Fronde et en représailles fait abattre
ses remparts et sa citadelle.
Bourg dorénavant exportera ses vins qui vont lui permettre
de s’embellir et de se tourner vers le tourisme.
Cette balade nocturne, aux flambeaux, à la découverte de
Bourg-sur-Gironde s’acheva par un plaidoyer improvisé de Didier Coquillas.
Notre passionnant guide affirma avec assurance, qu’il était convaincu que
l’habileté des hommes permettra à nouveau à l’humanité de sortir de la
situation écologique délicate dans laquelle la planète se trouve. Il
reconnaissait toutefois que de mémoire d’hommes nous n’avions jamais connu une
situation aussi alarmante.
Ce soir là, la visite de Bourg-sur-Gironde à la lueur des
flambeaux prit un aspect sympathique. Sur l’autre rive de la Garonne, les feux
d’artifices coloraient la nuit étoilée. Il ne plut pas. Il fit beau et doux
encore une fois sur la Fête à Léo.
Que ceux qui ont participé de près ou de loin à ces moments
de plaisirs simples en soient remerciés !
Sources:
Les intervenants, le site de la ville de Bourg-sur-Gironde,
le Syndicat d’Initiative de Bourg.
«Circuit urbain médiéval Léo Drouyn à Bourg-sur-Gironde»,
aux Editions de l’Entre-deux-Mers.
D.Darquest.