mardi 7 août 2012

Bourg-sur-Gironde le 13 Juillet 2012 - Compte-rendu

Fête à Léo 2012
Lecture de paysages autour de Bourg-sur-Gironde
Vendredi 13 juillet

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Une fois n’est pas coutume, il pleuvait sur la Fête à Léo. La fin d’après midi allait être humide. La soirée appartiendrait aux parapluies. Malgré les intempéries, 100 personnes s’étaient déplacées, venues des quatre coins de la Gironde, la journée de travail achevée. Il pleuvait toujours sur la Fête à Léo pendant le vernissage de l’exposition des photographies insolites de Jacques Houot. Il pluvinait encore au cours de l’apéritif
vigneron offert par le Syndicat Viticole des Côtes de Bourg, à l’abri de la salle des fêtes. L’intermède musical assuré par la mandoliniste Annick Robergeau eut raison de la pluie. Elle cessa de tomber, charmée par la douceur et la subtilité des notes graciles qui dansaient sous les doigts habiles de la musicienne.

Le «One Man Show» de Didier Coquillas débuta


Quelques repères datés nous permettront de situer chronologiquement les propos de notre intervenant.
Il y a 2 millions d’années vivait l’homme de Cro-Magnon.
Entre 2 et 5 millions d’années, à hauteur de ce que pourrait être Bassens actuellement, un tremblement de terre pyrénéen a fait se rejoindre la Dordogne et la Garonne.
C’est à la fin de la période du Miocène (7 millions d’années), que la mer abandonne définitivement l’Aquitaine laissant un paysage proche de celui que nous connaissons. L’érosion y apportera sa touche finale.
L’Oligocène inférieur, pendant lequel les dépôts de calcaire de l’Entre-deux-Mers se sont déposés, date de 30 millions d’années.
Les Pyrénées sont apparues il y a 40 à 45 millions d’années, en même temps que l’Ariège et les Corbières.
Les dinosaures sont morts il y a 65 millions d’années.
La Dordogne a 200 millions d’années.

Quelques généralités géologiques sur le bassin d’Aquitaine
Le mot Aquitaine trouve son origine dans le terme latin aqua (eau). Cette terre a subi de nombreuses inondations qui ont laissé des traces d’origines marine et fluviale.
L’histoire ancienne du bassin aquitain est la résultante des frictions dantesques qui se produisirent entre les plaques terrestres ibérique et européenne. Leurs mouvements vont aboutir à une succession d’enfoncements de la fosse marine et à des sédimentations en série dont résultera l’émersion (=sortir d’un milieu aqueux) du bassin d’Aquitaine, tel que nous le connaissons.
Pour bien comprendre les mouvements de transgressions marines (invasion de la terre par la mer) et de retrait de l’eau des terres, il convient de connaître les deux principaux mouvements en cause : si les approfondissements de la fosse marine sont liés à des affaissements tectoniques accompagnés d’élévations marines atlantiques, le bassin est envahi par la mer ; si les écroulements de la fosse marine ne sont pas accompagnés par des élévations marines atlantiques, l’eau se retire, le bassin aquitain se découvre et s’expose à l’érosion.
Quand l’eau se retire, elle charrie avec elle les sédiments des sols qu’elle a occupés. En cours de route, elle les perd en fonction des reliefs locaux qu’elle rencontre sur son chemin. Il faut bien imaginer que ces mouvements de va-et-vient se produisent sur des périodes comptées en millions d’années.

Le sol bourgeais

Le plateau de Bourg a la même datation historique que les autres plateaux, soit de 25 à 35 millions d’années. Bourg-sur-Gironde repose sur un plateau calcaire de 6 km d’épaisseur.
Il est composé de calcaire à astéries, appelé «pierre de Bordeaux» ou «calcaire de St Emilion». Il est daté de l’Oligocène inférieur (32 millions d’années). Il doit son nom aux innombrables osselets d’astéries, organismes apparentés aux étoiles de mer. Ce calcaire est jaunâtre, poreux et friable. Ce calcaire bio détritique (il résulte de la désagrégation mécanique des roches préexistantes) s’est formé essentiellement à la faveur d’une baie protégée. Il présente de nombreuses figures de dépôts et d’abondants fossiles.
En Bourgeais, les grottes ont été creusées par les rivières, puis les hommes les ont habitées et les carriers ont exploité la pierre. François Dalleau a fouillé ces sites. Ils recelaient des cadavres d’animaux préhistoriques comme le surprenant rhinocéros laineux, par ailleurs très peu peint sur les parois des grottes.
La période des températures froides a occupé 20 millions d’années. L’homme a trouvé refuge dans les grottes. Il fait suffisamment froid pour que les lieux soient colonisés par les pingouins. La «toundra sibérienne» caractérise le paysage, composé de graminées, de lichens et autres arbres nains.

Bourg-sur-Gironde et la Garonne
Depuis 18 000 ans, l’eau a remonté pour se situer vers 2500 ans avant notre ère à 120m de haut, niveau qu’elle occupe aujourd’hui. Les méandres sont apparus. Les eaux ont serpenté, cherchant à creuser leur passage dans les terrains les moins résistants. Depuis l’époque des Gaulois, la largeur de l’estuaire s’est réduite de 1.5km. L.Drouyn évoquait ce phénomène en employant le terme de sédimentation (formation de sédiments). Cet estuaire est le plus grand en Europe, car il pénètre très profondément dans les terres. Quand l’eau monte, l’effet mécanique qui produit ce mouvement s’appelle « l’effet entonnoir ». La coloration des eaux de Garonne traduit la présence des différents sédiments captés au cours de son périple.
L’ensablement du lit de la Garonne parait inéluctable. Dès le 16ème siècle, le lit était dragué afin de faire arriver les bateaux jusqu’à Bordeaux. Les dépôts de sédiments persistent. La profondeur du lit de la Garonne diminue. L’eau salée arrive jusqu’au Tourne et à Langoiran.
Définition:
Le lit mineur est le lieu où se trouve l’eau d’un cours d’eau jusqu’aux berges.
Le lit majeur c’est la limite atteinte par l’eau au moment des plus hautes crues.
L’état est propriétaire des bords du lit mineur. Les rivages appartiennent donc à la République. Parfois, ces terrains inondés (palus) ont fait l’objet de ventes foncières. A la Révolution, ces palus ou terres marécageuses accueillirent des troupeaux. Plus tard, ils seront plantés de vignes. En les inondant, les viticulteurs sauveront le vignoble français, entièrement détruit par le terrible phylloxéra :
Le Phylloxéra vastatrix, ou « fléau de la vigne » (du Grec « feuille » et xéros « sec » et du latin vastatrix « dévastateur ») est un minuscule puceron, « importé » des Etats-Unis,
qui s’attaque aux racines de la vigne. En 1885 la récolte nationale de vin est passée de 85 à 25 millions d’hectolitres après plusieurs années de vaines luttes contre ce nuisible. La pénurie de vin encourage la fraude et la fabrication artificielle de vin. Il fallut une loi, en 1889 pour donner une définition légale du vin. Le phylloxéra est apparu pour la première fois en 1864 dans le département du Gard. Finalement, les chercheurs trouvèrent le remède à ce fléau, en greffant des cépages français sains sur des porte-greffes américains résistants à l’insecte.
Nous assistons aujourd’hui à une forme de «dépoldérisation», c'est-à-dire que des terres retournent aux fleuves.
Bourg-sur-Gironde et ses «faux bourgs» !
Pendant les « Guerres de Religion », on a constaté que les ports médiévaux commençaient à disparaître. De nouvelles terres, des bords d’eaux, apparaissent. On gagne sur les rivières. De nouveaux ports se créent, accueillant des zones d’activités. A Bourg-sur-Gironde, la vieille ville et la ville neuve ont des intérêts divergents. Des conflits surgissent çà et là. Le sel acquiert une valeur économique (assure la conservation des denrées alimentaires), faisant prospérer les villes autorisées à être des greniers à sel. Bourg-sur-Gironde bénéficia de ce  privilège.

Histoire de la révolte de la gabelle :
La Gabelle (impôt ou taxe indirecte sur le sel), instaurée au 13ème siècle fut toujours très impopulaire. Plusieurs révoltes de paysans contre cet impôt éclatèrent. En 1548, elles tournent à l’émeute sanglante. L’autorité royale bafouée, des officiers royaux tués, des riches propriétaires agressés poussent Henri II à mener une répression impitoyable et meurtrière. Bordeaux fut désarmée, 140 personnes exécutées et la ville perdit sa liberté. Elle fut condamnée à payer une forte amende. Après avoir racheté l’impôt en 1553, les provinces du Sud-Ouest furent exemptées de la gabelle.

Quelques monuments de Bourg :
La Fontaine date de l’Antiquité. Elle est constituée d’un réservoir souterrain de 6m x 4m. La voûte est bâtie en moellons de petit appareil et creusée dans le rocher. Un fronton (gallo-romain ?) comporterait une niche destinée à recevoir la statue de la divinité de la source.
Le lavoir date de 1828. A l’origine, le vieux lavoir se situait à côté de la fontaine. En mauvais état et trop petit, il fut remplacé par le nouveau lavoir. Ce dernier est scindé en deux bassins aux fonctions précises. L’un assurait le lavage, l’autre le rinçage. L’eau qui tombe est recueillie dans une citerne dont le contenu est libéré agissant comme une chasse d’eau nettoyant la vase. C’est l’un des plus beaux de Gironde.
Port de bourg fut un grand plan d’eau. Pendant la « Guerre de cent ans », la moitié de la flotte anglaise est à Blaye et à Bourg-sur-Gironde. Il s’ensablera progressivement et sera abandonné. Le petit âge glacière a fait se retirer l’eau. Nous avons perdu la plupart des ports de la Garonne.
Un profond fossé séparait les deux villes (l’ancienne ville et la ville neuve). Il est devenu un dépotoir nauséabond au fil du temps. Afin de lutter contre cette source d’insalubrités et d’épidémies, les autorités le transformèrent progressivement pour réaliser l’escalier visible aujourd’hui.
L’église actuelle dédiée à St Géronce, a été construite en 1850 par l’architecte diocésain Labbé. Les conditions difficiles de sa construction font que le chevet contrairement aux us et coutumes est dirigé plein sud. Aujourd’hui, elle est en bon état grâce à l’action commune des paroissiens et des élus qui l’ont restaurée. Elle occupe partiellement le site de l’église primitive.

Histoire succincte et chronologique de Bourg-sur-Gironde :
Du 1er au 3ème siècle, la Paix Romaine favorise les débuts de la viticulture.
A partir du 3ème siècle et jusqu’au 7ème siècle, les invasions des Vandales et des Germains créent des dévastations. C’est l’époque pendant laquelle certaines villes se « muraillent ».
Au 4ème siècle, Ausone y posséda une maison.
Les 8ème, 9ème et 10ème siècles sont encore agités par de nombreux troubles, avec notamment l’apparition de la féodalité.
Au 8ème siècle, les Musulmans en provenance d’Espagne sont arrêtés à Poitiers par Charles Martel en 714, après avoir tout dévasté sur leur chemin. Les troubles sont nombreux, les invasions, notamment des Normands, ravagent tout le Sud-Ouest. Les villes de Blaye, Bourg-sur-Gironde, Bordeaux sont rasées.

Au 9ème et 10ème siècle les massacres, les destructions, les pillages ont gommé progressivement les traces archéologiques des périodes Mérovingienne et Carolingienne. C’est le temps de la féodalité, période où les intrigues, les trahisons, les alliances nourrissent les ambitions des seigneurs féodaux ; les Lansac en Bourgeais fomentent des guerres privées. Les châteaux-tours en bois bâtis sur des buttes de terre seront remplacés progressivement par des châteaux construits en pierres.

Les 11ème et 12ème siècles sont les témoins d’une forte expansion démographique et une recrudescence du spirituel. Il faut nourrir toutes ces bouches en trouvant de nouvelles terres gagnées sur la forêt, la lande, les palus, les bords des rivières. La culture céréalière se développe. De nombreux moulins apparaissent sur les rivières. Bourg n’échappe pas à tendance. Le 11ème siècle, un peu plus calme, met sur les routes de nombreux pèlerins en quête de spiritualité. Ils traversent toute l’Europe en direction de Saint Jacques de Compostelle. Une économie se développe autour des centres d’accueils des pèlerins. Ces derniers doivent franchir les rivières, emprunter des itinéraires sécurisés par les Templiers qui gèrent les affaires des Croisés en leur absence, en établissant des Commanderies comme à Magrigne, près de Bourg-sur-Gironde. Le pays se couvre de paroisses. Il faut du vin, beaucoup de vin notamment de messe. La culture de la vigne explose.
En 1137, une jeune duchesse, Aliénor d’Aquitaine épouse, à 16 ans, le prince Louis du même âge, qui allait devenir Louis VII roi de France. Puis, elle divorcera pour épouser le futur roi d’Angleterre Henri II.

Au 13ème siècle, sous le règne d’Henri III, Bourg obtient le statut de commune, s’affranchissant de la royauté. Les magistrats (jurats) sont élus par les bourgeois de Bourg. Toutefois le Maire est toujours nommé par le roi. Bourg est alors un véritable verrou protégeant Bordeaux. C’est un des trois arsenaux de la Guyenne.

La « Guerre de Cent ans » occupa une partie des XIVème et XVème siècles, et rendit la Guyenne soumise au roi de France. En effet en 1327, Edouard III d’Angleterre (15ans) veut jouir pleinement de ses droits sur la Guyenne. Le roi de France l’attaque. C’est une période de misères, de malheurs (la peste s’en mêle). Elle s’appauvrit ; les Bordelais ne pouvant plus compter sur le roi Duc font alliance avec huit places-fortes, dont la première est Bourg-sur-Gironde. S’y associent également Libourne, Blaye, St Macaire, Rions, Cadillac; St Emilion et Castillon. Toutefois le roi de France conquiert la Guyenne en 1451.
En 1453, Bourg-sur-Gironde a le droit d’arborer les armes royales de France.

Au 16ème siècle, la famille de Lansac, puis le duc d’Epernon, contrôle la ville avant que Mazarin, Richelieu et le futur roi de France Louis XIV n’en fassent la capitale provisoire du royaume (1650).
Le prince réprime la Fronde et en représailles fait abattre ses remparts et sa citadelle.
Bourg dorénavant exportera ses vins qui vont lui permettre de s’embellir et de se tourner vers le tourisme.

Cette balade nocturne, aux flambeaux, à la découverte de Bourg-sur-Gironde s’acheva par un plaidoyer improvisé de Didier Coquillas. Notre passionnant guide affirma avec assurance, qu’il était convaincu que l’habileté des hommes permettra à nouveau à l’humanité de sortir de la situation écologique délicate dans laquelle la planète se trouve. Il reconnaissait toutefois que de mémoire d’hommes nous n’avions jamais connu une situation aussi alarmante.
Ce soir là, la visite de Bourg-sur-Gironde à la lueur des flambeaux prit un aspect sympathique. Sur l’autre rive de la Garonne, les feux d’artifices coloraient la nuit étoilée. Il ne plut pas. Il fit beau et doux encore une fois sur la Fête à Léo.
Que ceux qui ont participé de près ou de loin à ces moments de plaisirs simples en soient remerciés !

Sources:
Les intervenants, le site de la ville de Bourg-sur-Gironde, le Syndicat d’Initiative de Bourg.
«Circuit urbain médiéval Léo Drouyn à Bourg-sur-Gironde», aux Editions de l’Entre-deux-Mers.

D.Darquest.