Préambule :
Au cours des différentes fêtes à Léo, il ne s’est pas passé un seul jour sans que Bernard Larrieu, un intervenant, ou le public n’aient fait référence au «Moyen-âge».
Nous avons entendu aussi les expressions «Haut Moyen-âge», «Epoque Franque», «Bas Moyen-âge». Les époques «Antiquité», «Renaissance» et «Temps modernes» furent aussi évoquées. Elles permettent de mieux situer la période qui nous intéresse ici : le Moyen-âge. Le terme d’Europe n’existe pas encore à l’époque. Il ne sera pas usité avant la période dite de la Renaissance. La limite de ce territoire ne correspond pas exactement aux frontières de l’Empire romain d’Occident et encore moins à celles de l’Europe actuelle.
Sémantique :
Le terme de «Moyen-âge» fut employé pour la première fois par les Humanistes.
En 1469, l’expression figure en latin (media tempesta) dans la correspondance de l’évêque d’Aleria, Johannes Andrea Bussi.
L’expression «Moyen-âge» ne veut rien dire en tant que telle. Elle viendrait de l’expression latine «medium aevum» qui signifie «âge intermédiaire». L’expression « Moyen-âge» est souvent connotée péjorativement, car la période est jugée «obscure» ou «gothique». La «Renaissance» qui succède au «Moyen-âge» suggère la notion de retour à la vie après une période de léthargie, voire de mort.
Le Moyen-âge :
C’est un âge médian entre différentes époques, à savoir le Haut Moyen-âge (généralement compris entre le IIIe et le Ve siècle ) et la période dite Renaissance (comprise entre le XVe et le XVIIe siècle, de 1420 à 1630). Les historiens considèrent que le Moyen-âge court du Ve siècle jusqu’au XVe siècle. Nous verrons dans le chapitre «Les tenants et les aboutissants» quels évènements ont été retenus comme jalons dans cette longue période.
Pour faire court concernant ce sujet passionnant, riche et dense qui continue à inspirer de nombreux historiens et chercheurs, nous relèverons les observations proposées par l’Encyclopédie le Grand Larousse Universel concernant le système médiéval : «La civilisation médiévale est caractérisée au plan politique par un recul de la notion publique autant que par un morcellement extrême de l’autorité. L’économie est à dominante agricole. La société est cloisonnée entre noblesse militaire qui détient la terre, seule véritable source de richesse et une classe paysanne asservie. Au plan des idées un système de pensée tributaire de la croyance religieuse. Seuls les doctrinaires de l’église ont l’exclusivité de décider de la forme que doit prendre la pensée.»
Cette période charnière de l’histoire de France s’étend sur une durée de près de dix siècles que les historiens ont divisée en plusieurs parties, afin de cerner au mieux les particularismes qui ont émergé pendant cette longue période agitée.
Sous les rois mérovingiens (du VI au VIIIe siècle), le principe politique qui prévaut est celui du chef, hérité de la tradition germanique. Son pouvoir s’exerce sur une troupe de guerriers, dont le territoire est une source de profits.
Sous les rois carolingiens (du milieu du VIIIe siècle à la fin du IXe siècle ), dans la pensée de l’élite exerçant le pouvoir, germe le souci de rehausser la dignité royale au niveau des anciens principes romains. L’Eglise, qui est la dernière force morale, a eu du mal à s’adapter au déclin de l’Occident. Toutefois, grâce notamment aux travaux des copistes, moines bénédictins, elle a participé à la sauvegarde d’une partie de l’héritage intellectuel gréco-romain (VII et VIIIe siècles). L’Eglise a réalisé l’unité spirituelle du monde occidental grâce d’une part à la conversion dynamique des campagnes et d’autre part à son évangélisation en direction de la Frise*, de la Saxe* et de la Carinthie*, en profitant de l’expansion militaire des Francs. Enfin, au VIIIe siècle, sous l’autorité de Charlemagne*, la menace musulmane fut jugulée. La Gaule, la Germanie, l’Italie et l’Espagne furent christianisées. C’est alors, que s’élabora, au sein de l’Eglise, une doctrine théocratique*, promouvant la justice de Dieu sur l’ensemble de la Chrétienté. L’idée d’universalité de l’Eglise carolingienne ne résista pas aux us et coutumes ancestrales, à l’inertie des monarques, aux mécontentements des gouvernés trop sollicités par les clans, les voisinages, les clientèles. La notion d’Etat n’a pas fait sens dans l’esprit de chacun. Le partage de Verdun* en 843 accentue le déclin de l’Empire Carolingien débouchant sur une anarchie générale.
L’âge de la Féodalité (du X au XIIIe siècle). Nous assistons à un déclin de la royauté. A cette époque, les Carolingiens ont tenté d’utiliser la vassalité à leur profit. Ils intégrèrent tout ce que l’Occident comptait de puissants dans une hiérarchie vassalique* dominée entièrement par le monarque. L’usage du bénéfice s’est très vite répandu dans le but de stimuler la fidélité (vassi regales). En fait, ces usages ont complètement appauvri la royauté et rapidement enrichi les hauts fonctionnaires, vassaux royaux, ducs, marquis. La perte d’autorité du pouvoir royal trouve aussi ses origines dans des causes extérieures. Au VIIIe siècle, la chrétienté s’était rassemblée autour de la monarchie franque afin de lutter contre l’expansion musulmane. Du IXe au Xe siècle, contrairement à ce qui s’est passé au siècle précédent, les incursions persistantes des Normands, des Sarrasins, des Celtes, des Hongrois vont produire le phénomène inverse. L’insécurité permanente va contribuer à la désagrégation des royaumes issus du partage de Verdun. Localement, on se défend comme on peut, on s’organise avec les moyens à disposition, indépendamment du pouvoir central.
A l’Est, la restauration Ottonienne* va créer l’unité des pays situés entre le Rhin et l’Elbe, de l’Italie sous l’égide d’un empereur romain germanique.
A l’Ouest, à l’inverse, le pouvoir royal s’effondre au profit des princes territoriaux et seigneurs locaux. Conséquence de cette redistribution de l’autorité : naissance d’une classe guerrière. Elle va accentuer l’insécurité locale à cause des guerres privées, nombreuses entre les puissants locaux en quête de plus de patrimoine. Les populations rurales cherchent refuge à l’abri du château seigneurial. Elles renoncent à leur liberté contre la sécurité. Nous observons un nivellement vers le bas de la condition paysanne. Le servage médiéval se généralise.
Dans ce marasme, l’Eglise essaie d’exercer une influence morale sur la Chevalerie. La «paix et la trêve de Dieu», l’aventure des croisades* au XIe siècle, visent à restaurer la cohésion du peuple chrétien. Ainsi, l’Eglise essaie de convaincre les Pugnatores (classe militaire trop habituée aux rapines et aux violences) de protéger les Oratores (ceux qui prient) et les Laboratores (ceux qui travaillent).
XI et XIIe siècles :
Lente reprise des échanges commerciaux. Essor démographique favorisé par l’amélioration des rendements agricoles. Les centres urbains deviennent les lieux de rendez-vous d’une population active, laborieuse, voyageuse, autonome et contestataire. Des revendications se font jour, visant à plus de libertés personnelles, commerciales, administratives.
Dans le domaine intellectuel, en marge d’un renouveau des droits savants (droit Canon, droit Romain), nous assistons à un regain de la recherche intellectuelle qui met en contact des penseurs d’obédiences multiples; ce qui a pour, entre autres effets, de remettre au goût du jour des auteurs oubliés (par exemple : Aristote, Ptolémée). Nous constatons aussi le retour de l’écriture, de l’étude des textes classiques au cœur des centres universitaires, des lieux de rencontres. L’«Europe» sort progressivement d’un long isolement dans lequel l’avait conduite l’exploitation du savoir à des fins exclusivement chrétiennes.
Le Bas Moyen-âge ( XIV et XVe siècles ):
Lente rupture avec les valeurs du monde médiéval et longue transition vers l’époque dite «Renaissance» (après le chaos du Moyen-âge).
L’Eglise entre en période de crises, qui auront pour conséquence d’affaiblir considérablement son autorité morale. Son influence politique baisse. L’activité artistique et intellectuelle lui échappe. Leurs meilleurs représentants se trouvent dorénavant dans le monde laïque.
Nous constatons que l’autorité centrale se raffermit. L’état monarchique devient fort et déjà l’idée de nation pointe en pleine Guerre de Cent Ans*.
Au début du XVIe siècle, la bourgeoisie urbaine porte en elle les valeurs suivantes: esprit d’aventure, individualisme, réalisme, sens du profit qui feront entrer la société dans l’époque dite «Renaissance» et quitter définitivement le « Moyen-âge»
Tenants et aboutissants historiques du Moyen-âge :
Définir une époque historique nécessite d’identifier les dates d’un ou plusieurs évènements suffisamment remarquables, ayant eu assez d’impact pour caractériser le début ou la fin de la dite ère. Trouver ces repères n’est ni aisé, ni exempt de critiques. Pour simplifier, nous dirons que les historiens estiment qu’à la fin du IVe siècle et au courant du Ve siècle, la civilisation romaine périclite, laissant progressivement la place à de nouvelles tendances politiques, à des situations socio-économiques et religieuses qui annoncent le «système médiéval».
Pour comprendre ce que recouvre l’expression « Moyen-âge»(du V au XVe siècle), il est nécessaire d’évoquer la situation politique de l’Empire Romain à la fin du Ve siècle : il n’existait plus, il avait implosé.
Auparavant, l’Empire Romain était divisé en deux parties : L’Occident et l’Orient.
Le mot Occident désigne à la fois un territoire et une civilisation. C’est l’endroit où se couche le soleil (le Couchant ou le Ponant), partie ouest d’une Europe qui n’existe pas encore. Ces contrées sont le berceau du christianisme romain dont la langue est le latin. Les fidèles servent le Pape à Rome.
Par opposition, l’Orient, l’Est, (lever du soleil) serait le territoire des païens*, des schismatiques* et des musulmans. Cette zone d’influence correspond à l’aire de diffusion du christianisme catholique et ultérieurement protestant en pays latin, celte ou germain.
Les limites entre ces deux zones d’influence ne furent pas toujours explicites, souvent floues, mouvantes en permanence, excluant toutefois «l’Europe» centrale.
Avant l’avènement du Moyen-âge, il y eut le Haut Moyen-âge, période «d’incubation» des transformations des différentes sociétés, qui vont déboucher progressivement sur le Moyen-âge. Les historiens rassemblent les nombreux soubresauts et transformations qui agitent cette partie géographique de l’Empire romain entre le IIIe et le Ve siècle sous le vocable d’«Epoque Franque» ou «Haut Moyen-âge». L’Occident a essayé de réaliser la synthèse entre certaines valeurs héritées de l’Antiquité et l’apport nouveau des Barbares. L’installation des peuplades germaniques et, parmi elles, celles des Francs qui se déploieront sur une grande partie du territoire seront à l’origine de la rupture avec l’ancien Empire Romain oriental.
Dès le IIIième siècle, l’édifice économique de l’Empire Romain s’était lézardé. L’arrêt des conquêtes avait tari la main d’œuvre servile et vidé le trésor impérial. C’est une époque pendant laquelle l’insécurité va croissant avec la multiplication des invasions barbares. La politique interventionniste des empereurs du IVième siècle en matière économique a découragé les investisseurs et a favorisé la thésaurisation, contribuant au déclin du monde urbain. Pour échapper aux tracasseries de l’administration impériale, les commerçants et artisans se réfugièrent massivement au sein des villes tenues par la haute aristocratie romaine.
En 476, l’Empire Romain d’Occident s’effondre définitivement laissant la place aux hordes de barbares venues de l’Est. L’empereur Romulus est déposé par l’armée romaine, qui s’est donné un Germain comme roi (Odoacer). Dès lors, les territoires de l’ancien empire se fractionnent et se constituent en petits royaumes indépendants.
L’échec de Bysance* en 565, qui voulut restaurer l’autorité impériale sur l’ensemble du territoire de l’ancien Empire Romain, s’imposa comme l’évènement ultime marquant la fin de cette époque. Le Moyen-âge succédait au Haut Moyen-âge.
La fin du Moyen-âge repose sur une succession d’évènements singuliers. La chute de Constantinople en 1453, les guerres de religion qui éclatèrent dans le courant du XVIième siècle sont de nature à identifier la fin de cette période. Ces faits débouchent sur une période que l’on retrouve sous le vocable de «Renaissance», précédant à son tour les «Temps Modernes». La chute de Constantinople* représente le symbole d’un monde à son crépuscule. Au milieu du XVième siècle, l’isolement d’un empire moribond isolé est au bout de sa logique. L’idée médiévale de la croisade et celle d’une solidarité chrétienne face à l’Islam ont vécu. L’empire est morcelé et son unité n’existe plus. L’Occident désormais est divisé en Etats-nations où progressent rapidement la laicité*, l’individualisme et le sens du profit. Les guerres de religion marquent la fin de l’unité religieuse établie sur la papauté.
* Schismatiques : nom de ceux qui sont sortis de l’union de l’Eglise.
* Frise : région de plaines bordant la mer du Nord entre Pays-Bas et Allemagne.
* Saxe : duché intégré au royaume de Germanie en 919.
* Carinthie : province de l’Autriche méridionale.
* Ottonienne : qualificatif issu d’Otton 1er le Grand. Son règne correspond à une brillante époque architecturale et artistique allemande (950-1030).
* Théocratique : qualificatif venant de théocratie. Régime politique dans lequel le pouvoir est considéré comme venant directement de Dieu et exercé par ceux qui sont investis de l’autorité religieuse.
* Guerre de Cent Ans : série de conflits de 1337 à 1453, opposant les royautés française et anglaise. A l’origine de ce conflit : la revendication du trône de France par le roi Edouard III d’Angleterre et sa volonté de s’attacher les riches cités flamandes liées au commerce britannique des laines.
* Constantinople : nom donné à l’ancienne Bysance, appelée plus tard Istanbul par les Turcs. Capitale politique, religieuse et intellectuelle de l’Empire Byzantin. Tombée aux mains des Turcs ottomans en 1453.
* Partage de Verdun : en 843, les trois fils de Louis le Pieux y signèrent un traité qui partageait l’Empire Carolingien.
* Vassalité : système féodal fondé sur l’existence de liens entre suzerains et vassaux. Constitue le fondement de la féodalité.
* Charlemagne : ou Charles 1er le Grand (747-814),fils aîné de Pépin le Bref, roi des Francs de 768 à 814, empereur d’Occident de 800 à 814. Il dirigera son empire d’Aix la Chapelle, en contrôlant l’administration des comtes et des évêques par l’intermédiaire des «missi dominici» et de l’assemblée des notables
* Croisades : nom donné aux huit expéditions militaires entreprises du XIième au XIIIième siècle par l’Europe chrétienne sous l’impulsion de la papauté pour porter secours aux chrétiens d’Orient, reprendre le Saint Sépulcre aux musulmans et défendre les Etats fondés par les croisés en Syrie et en Palestine.
* Païens : adeptes des cultures polythéistes (qui admet plusieurs dieux) de l’Antiquité notamment gréco-latine.
* Bysance : ancienne colonie grecque construite au VIIième siècle avant J.C sur le site de la future Constantinople.
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| Dominique Darquest |
