samedi 14 mai 2011

Achitecture médiévale



Architecture civile et religieuse médiévale
Dans le chapitre précédent nous avons décrit schématiquement la période historique du Moyen-âge avec son tenant (le Haut Moyen-âge) et son aboutissant (la Renaissance). Cet espace temps long de dix siècles a vu progressivement l’architecture romane (qualificatif donné bien plus tard) occuper nos villes et nos paysages, notamment dans le sud du pays alors que le nord accueillait progressivement une architecture dite : gothique.
Au cours de ce second article nous évoquerons le contexte politique, social et économique dans lequel cet avènement architectural s’est implanté.
Dans un troisième article nous vous proposerons une «radioscopie» simplifiée d’une église romane.

En préambule nous constaterons que le panorama architecturale de la France médiévale est resté, jusqu’à une date tardive, remarquablement constant. Ce sont les grands travaux d’urbanisme de l’époque classique et ceux plus destructeurs du XIXe siècle qui ont chahuté voire en partie détruit ce patrimoine médiéval.
Les causes de ces bouleversements trouvent leur origine dans les différentes mutations qui ont secoué notre société. La démographie en forte expansion avec son cortège de revendications (plus de logements, plus d’espace, des moyens de déplacement plus adaptés aux contraintes de la société économique), les populations rurales qui migrèrent vers les villes expliquent l’urbanisme destructeur mis en place pendant plusieurs décennies. Les urbanistes puis les constructeurs ont fait de la place pour bâtir, pour aménager des quartiers et desservir ces derniers. De nombreuses constructions médiévales civiles et religieuses ont disparu, au nom du pragmatisme ambiant et des intérêts économiques. La sauvegarde du patrimoine n’occupait pas la même place dans les esprits qu’à l’heure actuelle. Certains monuments médiévaux, ensevelis sous une chape de béton, de fer et de verre l’ont été au nom d’un modernisme peu tolérant exigeant une bonne rentabilité spatiale, foncière et donc économique.
Nous vous invitons à faire un retour dans le passé pour observer les changements historiques qui ont amené la construction de ces édifices à l’architecture dite : médiévale.

L’église chrétienne finance l’érection de nombreux édifices en Gaule.
A l’époque du Haut Moyen-âge (du IIIe au Ve siècle), les cultes païens sont encore présents des les campagnes. De nombreuses fontaines, un grand nombre d’arbres, des pierres levées faisaient l’objet d’un culte fervent de la part des autochtones. Ils avaient été laissé libres, depuis des siècles de pratiquer leurs rites. De nombreux empereurs (… Dèce en 251, Valérien en 259, Dioclétien en 305, Varhran V en 421... ) ont favorisé leurs croyances en les protégeant de la volonté hégémonique débutante de l’Eglise chrétienne. Cette dernière a trouvé ponctuellement des alliés importants acquis à sa cause (Galien en 260, Galère en 311, Constantin 1er en 312, St Patrick en 450, Clovis 1er en 498 …). Il est presque certain que la reconnaissance du Christianisme par l’empereur Constantin a été de nature à « booster » la construction d’un grand nombre de monuments de la Chrétienté. Les ressources financières importantes des évêques, des clercs et les dons des fidèles ont permis l’érection de nombreuses églises sur le territoire. Plus tard les souverains et leur entourage ont investi rappelant leur appartenance à la religion chrétienne à la face des hommes.

L’église chrétienne, hégémonique, éradique en partie le paganisme et impose sa pensée universelle.
Le Ve siècle correspond pour les historiens au début de l’époque dite Le Moyen-âge (période comprise entre le Ve et le XVe siècle). Pendant la présence des rois Mérovingiens (du VIe au VIIIe siècle) l’église intensifia sa lutte contre les différents cultes païens. Elle a fait détruire les temples voués à ces cultes, abattre les arbres sacrés. Quand il était difficile de les supprimer, les autorités religieuses locales bâtissèrent en lieu et place utilisant les matériaux de l’édifice précédent, ou érigeait une chapelle à coté de la source en y associant un saint. Pendant cette période les différents édits royaux et autres canons des Conciles fulminèrent contre les cultes de la pierre, des sources et des arbres. Ils invitèrent le clergé à bannir des églises les adeptes pris en flagrant délit de pratiques sataniques. Il fallait chasser de la mémoire collective toute trace de ces rites païens. Ces derniers résistèrent mais perdirent du terrain progressivement pliant sous les mesures coercitives de la Chrétienté (ans 630, 745, 774, 798…) ou sous les attaques meurtrières perpétrées en l’an 562, 772,782 …
Le triomphe du Christianisme a marqué une rupture avec le monde antique jusque là très présent. L’église chrétienne, tolérée dans un premier temps, fut favorisée au détriment du paganisme qu’elle supplanta sans l’achever complètement. L’évêque obtint petit à petit un rôle dans la hiérarchie administrative de l’Empire. Il s’installa à l’intérieur de la cité.

L’église devient incontournable à l’abri derrière les remparts.
Pour faire face aux invasions la ville s’est fortifiée en s’abritant derrière des murailles dans un périmètre restreint aux accès peux nombreux. L’enceinte protégeait ainsi les bâtiments représentatifs de la vie publique (palais, forums, temples, casernes…). Une nouvelle entité vit le jour : le Castrum. Ce dernier séparait les services publics du reste de l’agglomération. Les murailles solides, épaisses ont réemployé, lorsque s’était nécessaire et possible des pierres en provenance des monuments proches et désaffectés supprimant de fait des pans entiers de l’histoire locale. A l’intérieur de cette forteresse, l’évêque a occupé les rares espaces libres ou réquisitionné de la place pour construire ce que les historiens appellent « l’ensemble cathédrale ». Ce dernier était composé généralement d’un ou deux lieux de culte, d’un atrium (cour intérieure), d’un baptistère, d’une maison de l’évêque et d’un lieu d’accueil des pèlerins. Les chrétiens respectaient la tradition antique qui voulait que la mort et son culte s’exercent à l’extérieur de la ville.
La cathédrale accueillait les nombreux fidèles. Les architectes ont repris, en l’adaptant aux besoins du moment le principe de la basilique civile romaine. Formée d’un vaste espace divisé en plusieurs vaisseaux il est couvert d’une charpente en bois. Les murs, sont minces, composés de briques ou de pierres destinés à recevoir un décor coloré. Le Baptistère jouxtant la cathédrale recevait les baptisés. Les basiliques funéraires étaient rejetées à la périphérie de la cité. Les fouilles en ont démontré un nombre considérable en Gaule. Entre le VIe et le VIIe siècle les monastères fleurirent en Gaule, notamment dans le nord sous l’impulsion de Saint Colomban soutenu par la royauté et l’aristocratie franque.
Les campagnes notamment aquitaine et narbonnaise ont accueilli de nombreuses villas. Ces superbes résidences secondaires hébergèrent les aristocraties locales. Elles étaient bâties selon le plan de la villa méditerranéenne avec péristyle (galerie avec des colonnes autour d’un bâtiment ou d’une cour). Sur tout le pays, de nombreux édifices de culte vont créer une animation autour de laquelle une communauté va se sédentariser pour donner naissance à une nouvelle identité : le village. Ces derniers vont être à l’origine de la création d’un nouveau cadre administratif religieux : la paroisse.

Charlemagne : symbole ultime d’un pouvoir religieux et civil réunis sous une même autorité.
Avec ce que les historiens conviennent d’appeler la « renaissance carolingienne » les nouveaux souverains (du VIIIe au IXe siècle) ont pris le pouvoir. Ils tentèrent de réunir le pouvoir religieux et civil sous une même tête. L’aboutissement de cette construction politique fut le couronnement impérial de Charlemagne en l’an 800 à St Pierre de Rome. Pendant ce siècle 16 cathédrales, 232 monastères, 65 palais furent mis en chantier sans compter les villas et autres édifices publiques. Les palais des souverains carolingiens avaient été occupés par les rois mérovingiens qui les détenaient des monarques de l’Antiquité romaine. Chacun apportant ses petites modifications à l’édifice et voilà nos historiens archéologues qui perdent légitimement leur « latin ». Les cathédrales de cette époque ne sont pas mieux connues. Des vestiges existent certes, mais leur interprétation reste délicate. La plus part du temps un édifice est érigé en lieu et place avec les pierres prélevées sur l’édifice initial. Pendant cette période la réforme monastique a abouti à la création d’un plan type de monastères dit Plan de Saint-Gall qui a servi durant tout le moyen âge.

Les rapports humains étaient fondés sur le droit, ils sont dorénavant régis par le sermon d’allégeance entre seigneurs et vassaux.
Le rêve chimérique d’un monde unitaire initié deux siècles plutôt n’a pas résisté à la réalité politique sociale et économique. Des nouvelles réalités territoriales se font jour après la dislocation de l’empire de Charlemagne.
Depuis les romains les rapports entre les hommes étaient fondés sur le droit. Ils se sont établis maintenant sur les liens d’homme à homme par l’effet du sermon qui lie le vassal à son seigneur. Ce dernier lui cède en contre partie un fief pour lui assurer sa subsistance et celle de sa famille. Au monarque unique ont succédé une multitude de seigneurs locaux qui détiennent l’autorité publique. Cette société féodale est très fortement christianisée. Les êtres humains ont soif d’absolu. L’église va être arrachée au pouvoir civil pour retrouver sa fonction initiale.
La démographie en forte hausse entraîne une attente de consommation qui relance l’économie favorisant des progrès techniques qui améliorent les rendements de l’agriculture. Les réseaux routiers et fluviaux se développent. C’est dans ce contexte économique favorable qu’apparaît une nouvelle forme d’architecture.
En l’an mille, le panorama architectural de la France présentait deux visages. D’une part des constructions en grande partie urbaines, aux vastes volumes, légères et bien éclairées. D’autre part un mouvement important vers la ruralité avec la construction d’abbayes et d’édifices plus modestes.
Le temps roman serait apparu autour de l’an mille, pour être supplanté, au nord de la France, par l’art gothique vers le milieu du XIIe siècle, pour se poursuivre au sud jusqu’à la fin du siècle.

Le temps roman (du Xe au XIe siècle) se décline en deux âges.
Le terme d’architecture romane est apparu bien plus tard que l’époque visée. En fait au début du XIXe siècle les historiens ont découvert la beauté de cette nouvelle architecture. Ils lui ont donné le nom de roman par assimilation à la langue qui s’imposait à la même époque. Au départ le terme était vague. Au fur et à mesure que les historiens progressaient dans leurs recherches, ce mot à qualifié un concept élaboré. L’architecture romane définit une rupture architecturale avec celle produite par les maîtres d’œuvres du IVe siècle, à l’époque dite Haut Moyen Age. C’est à partir de ces nuances, que les historiens ont dégagé deux périodes principales au temps roman.
L’une appelée le premier âge roman. C’est le temps des expériences. Il couvrirait le Xe siècle.
Le second âge roman irait jusqu’à la fin du XIe siècle. C’est le temps de la maturité.
Le premier âge roman vise à travers son architecture à répondre à deux objectifs essentiels. La défense et le religieux. Les commanditaires de l’époque furent confrontés à une grave pénurie de tailleurs de pierre, de maçons, d’architectes alors que les charpentiers étaient légion. Ils durent même retrouver les anciennes carrières de pierres antiques tombées dans l’oubli. L’architecture civile était surtout le fait des seigneurs qui, voulant assurer leur pouvoir, affirmaient ce dernier avec ostentation. Au moyen âge il fallait « voir » et «être vu ». Les donjons, au début, furent construits en bois, juchés sur des mottes ou élévations naturelles, enfermés dans une enceinte de bois, ceinturée elle-même par des fossés. Une basse cour à l’abri derrière les palissades servait de refuge pour la population lors des attaques ennemies. Naturellement afin d’être plus rapidement en sécurité les populations s’établirent à proximité de ces places fortes créant des villages puis des villes. Seuls subsistent les mouvements de terres ou les villes. Toutes les constructions en bois on disparu. Les seigneurs les plus fortunés érigèrent des tours avec de la pierre. Les formes architecturales évoluèrent utilisant la courbe et mettant en œuvre des murs aux structures innovantes pour l’époque. L’architecture religieuse mieux connue car plus étudiée n’a pas révélé tous ses secrets car beaucoup des monuments érigés à l’époque ont été remplacés par d’autres au même endroit. Les bâtiments accueillaient les fidèles, protégeaient les reliques, abritaient les différents cultes, hébergeaient les religieux voire les pèlerins. L’architecture de ces édifices évolua sans cesse avec le retour d’expérience. Les églises ont du s’adapter aux nombreuses modifications liturgiques ainsi qu’aux bouleversements liés à la réforme Grégorienne.
Après les tâtonnements du premier âge roman l’homme plus habile avec les dernières techniques de construction, est devenu plus ambitieux et s’est mis à rêver de maîtriser son destin. L’avenir était à l’initiative et à la conquête de nouveaux espaces de liberté. Les anciennes villes romaines enfermées derrières leurs murailles ont éclaté à l’extérieur de celles-ci créant des faubourgs et des bourgs dynamiques. La foi va conduire les pèlerins sur les routes. L’église va pousser sa volonté de réformes plus en profondeur. Les seigneurs cherchent à se dédouaner de leurs faiblesses et de leurs fautes en investissant dans les constructions religieuses. En un siècle le patrimoine religieux est passé de 4 abbayes à 742. Certaines de ces constructions hébergèrent plusieurs centaines de religieux. Ces lieux furent de véritables laboratoires spirituels mais aussi techniques (hydraulique, forestier, agricole, élevage, construction, production, gestion…). La société civile contemporaine s’est largement inspiré de leur savoir faire. Le deuxième âge roman va bénéficier de la qualité et de la quantité de la main d’œuvre disponible sur le marché de l’emploi. Le panorama stylistique est devenu plus diversifié, régional parfois identifié à un artiste ou une école. Nous verrons plus loin que les dernières découvertes des historiens et des archéologues nuancent ces propos.
L’architecture civile est en partie à l’image de cette société. Les territoires sont plus vastes et mieux gérés. Les forteresses sont plus vastes et mieux organisées. Elles sont bâties de pierres bénéficiant des dernières trouvailles dans les formes, les structures des murs, les techniques de défense. Elles sont érigées sur des sites hautement stratégiques s’inscrivant dans une intelligence collective de sécurisation du territoire local. De nombreuses maisons fortes apparaissent, certains bâtiments au cœur des villes font appel aux dernières techniques de construction. Les architectes et maîtres d’œuvre , recherchent les innovations permettant un meilleur confort pour les futurs occupant des bâtiments.
L’architecture religieuse a subi les transformations dues à la réforme Grégorienne. Les fonctions liturgiques se retrouvent rassemblées dans de même lieux. La voute de pierre supplante par endroit la traditionnelle charpente. Les hardiesses architecturales se multiplient. Le poids des voutes, l’affaiblissement des structures laissant moins de place à la lumière, vont modifier progressivement l’aspect général extérieur des édifices religieux. Les architectes vont devoir renoncer aux grands volumes ouverts et bien éclairés pour proposer des silhouettes plus massives, moins élancées capables techniquement de supporter des masses importantes.

L’individualisme et le sens du profit annoncent la période dite : Renaissance.
A la fin du XIème siècle l’architecture romane s’est développée de façon spectaculaire renouvelant le panorama stylistique observable. Les historiens frappés par des similitudes architecturales et de sculptures ont imaginé dans un premier temps l’existence « d’écoles régionales ». Leurs dernières découvertes les confortent dans l’idée qu’il existait des édifices de « référence », des « modèles » à partir desquels les architectes trouvaient l’inspiration.
Au cours du Bas Moyen-âge (XIVe et XVe siècle) les valeurs qui avaient fait références en cours au Moyen Age s’essoufflent. La guerre de Cent Ans (1337-1453) va laisser le pays dans une situation économique délicate. L’autorité centrale se raffermit. L’église en crise constate que son autorité morale fléchit. Elle peine à financer l’entretien de son patrimoine. L’activité artistique et la pensée puisent leurs sources dans le monde laïque. Des villes nouvelles : les bastides se créent entre le XIIIe et le XVe siècle.
Le sens du profit, l’esprit d’aventure, l’individualisme éloignent la société médiévale de ses valeurs et la font entrer dans une période que les historiens qualifieront plus tard de : période Renaissance. A partir du XIIe siècle certains édifices religieux seront remplacés progressivement par de nouvelles constructions qui intègreront les nécessités nouvelles tout en respectant le passé. L’architecture civile a pour sa part bénéficié d’une très grande liberté dans le choix architectural.

Léo Drouyn, un scientifique artiste qui a entrepris au XIXe siècle de sauvegarder dans la mémoire collective quelques unes des ultimes traces de l’architecture médiévale.
L’essentiel des observations faites par Léo Drouyn (1816-1896) le furent sur des châteaux, des églises, des maisons fortes et autres édifices dont les principaux éléments architecturaux étaient datés entre le XIVe et le XVIe siècle. Toutefois il relèvera aussi de nombreux décors et ouvrages architecturaux médiévaux datant des XIe et XIIe siècles encore visibles lors de ses observations faites au cours du XIXe siècle. Il est important d’admettre que l’architecture des édifices médiévaux a subi une perpétuelle évolution. Il est donc difficile aux archéologues de dater avec précision et assurance. C’est par moment un patchwork de modifications assemblées à différentes époques qui s’offre à nos regards. Les outrages du temps, les pillages, les destructions à caractère confessionnel, le vandalisme mercantile, les transformations commanditées par les autorités religieuses ont transformé l’édifice initial (quand elles ne l’ont pas entièrement détruit), en un amalgame stylistique d’époques différentes. Grâce aux relevés et témoignages graphiques dressés notamment par Léo Drouyn nous avons à disposition quelques unes des traces historiques de l’architecture romane encore visibles au XIXe siècle, maintenant disparues.
Restons humble devant l’histoire car nous en faisons partie
Les références des ouvrages qui ont nourri ces lignes seront publiées à la suite du texte à venir intitulé : "radioscopie" d'une église médiévale.




Dominique Darquest